Le lieu-dit de Villeneuve-lès-Soissons, à proximité de Saint-Germain ancien faubourg de Soissons, était un fief dépendant successivement des évêques et des comtes de la ville.
En 1330, la comtesse Marguerite y fit construire un château au bord de l’Aisne qui devint la résidence de sa fille Jeanne. Cette propriété, rapidement entourée d’habitations, donnait naissance au petit village de Villeneuve.
En 1367, le comté de Soissons passa dans les mains d’Enguerrand VII[1], le dernier sire de Coucy. Il décida de raser le château pour y installer une communauté de Célestins[2], devant dédier leurs prières à sa future croisade contre les infidèles.
En 1390, il fit construire un monastère, une église, un cloître et un réfectoire, pour y accueillir 12 religieux.
Cependant, il décéda avant l’achèvement du monastère. Sa fille, Marie, vendit le comté de Soissons au Duc d’Orléans en 1404, tout en lui demandant de terminer le projet de son père.
4 ans après, l’abbaye des Célestins Sainte-Trinité était établie avec 18 religieux.
Selon l’abbé Roussel, l’abbaye s’étendait entre la rivière de l’Aisne et le village de Villeneuve dans un enclos de 15 arpents[3] (environ 5 hectares), avec vignes, jardins, fontaines, monastère et dépendances, entourés de fossés pour préserver les constructions des inondations. Les bâtiments étaient bâtis en pierres et couverts en ardoise. La chapelle, surmontée d’un clocher, conservait le cœur d’Enguerrand VII.
Après le saccage des Huguenots[4] en 1567, les bâtiments étaient dévastés et durent être reconstruits. L’abbé Roussel mentionna un monastère plus « grandiose… tandis que ses jardins, habilement dessinés, étaient rafraîchis par ses eaux jaillissantes qui ne se taisaient ni jour ni nuit ».
Les années qui suivirent furent prospères pour l’abbaye qui accueillit jusqu’à 30 religieux. Elle faisait la gloire du village et œuvre de bienfaisance auprès de ses habitants.
A l’aube de la Révolution, il ne restait que 9 religieux.
En 1778, un arrêt du conseil du roi Louis XVI supprima la communauté des Célestins, puis ordonna l’évacuation du monastère de Villeneuve.
L’évêque de Soissons, Monseigneur de Bourdeilles, s’appropria volontiers l’abbaye pour en faire sa résidence de campagne favorite.
« Les villageois regrettèrent le départ des Célestins, leurs bienfaiteurs, qui grâce à eux n’avaient jamais connu la vraie misère ». (Abbé Roussel)
En 1790, l’ancienne abbaye fut réquisitionnée pour en faire une annexe de l’hôpital militaire de Soissons, avant d’être vendue comme bien national.
Sources :
Abbé R. Roussel, Histoire de l’abbaye des Célestins de Villeneuve-lès-Soissons, 1904.
Jean Leroux, Histoire de Soissons, 1839.
Wilfrid Lanoisellé, Monographie de Villeneuve-Saint-Germain, Paris, 1994.
[1] (1339-1397).
[2] Ordre monastique.
[3] Ancienne unité de mesure, 1 arpent = environ 35 ares, 1 are = 100 m², 100 m² = 0,01 hectare
[4] Protestants français pendant les guerres de religion.